Les auteurs LGBT ont-ils le devoir d'écrire sur leur communauté ?

Les auteurs LGBT ont-ils le devoir d’écrire sur leur communauté ? Découvrez mon point de vue sur la représentation, la liberté créative et la diversité des récits.

Gildas Mergny

6/23/20255 min read

Lorsque l'on parle d’écrire en tant qu’auteur LGBT, une question qui revient régulièrement est celle du devoir : doit-on, en tant qu’auteur, raconter l’histoire de sa communauté ? Est-ce que notre voix, par défaut, doit être portée par les luttes, les revendications, ou la simple représentation des personnes LGBT ? En tant qu’auteur queer moi-même, cette question me taraude souvent. La réponse n’est pas simple, et il me semble qu’il y a plusieurs pistes à explorer. Voici comment je vois les choses, après quelques années de réflexion sur le sujet.

Le rôle social de l’auteur LGBT : représentation et engagement

En tant qu’auteur LGBT, je ressens parfois une pression implicite, ou même explicite, à aborder des thématiques liées à la communauté. Cela semble presque inévitable : la littérature devient un outil de visibilité, une manière de briser le silence et de faire entendre des voix souvent ignorées.

Le devoir de représentation, pour moi, est crucial, surtout dans un monde où les personnes queer ont longtemps été absentes des récits dominants. Loin d’être une simple question esthétique, cela devient un acte militant, presque politique. Et je crois que cela touche beaucoup d’autres auteurs de la communauté.

Voici quelques points qui, à mon avis, sont essentiels dans ce rôle de représentation :

  • Créer un modèle pour les jeunes LGBT : L'écriture, dans ce cas, peut devenir un moyen de transmettre des modèles d’identités diverses. Je me souviens moi-même, dans ma jeunesse, d’avoir cherché des livres qui me représentaient vraiment. Il est donc naturel que je veuille aussi offrir ce genre de lecture aux jeunes de ma génération.

  • Lutter contre les stéréotypes : Écrire sur des personnages ou des situations liées à mon identité permet aussi de démonter des clichés. Au lieu de rester dans l'idée d’un « gay » ou d’une « lesbienne » qui suit des schémas préétablis, l’écrivain LGBT peut injecter de la profondeur, de la nuance, et briser les idées reçues.

Quelques livres d'auteurs LGBT français qui incarnent cet esprit de représentation et de lutte sont :

  • « Les Hauts de Hurlevent» de Jean-Philippe Toussaint : un ouvrage qui remet en question les attentes autour de l’amour et des relations, tout en intégrant subtilement des questions de genre.

  • « Juste avant le bonheur » de Alice Zeniter : un roman où l'orientation sexuelle est abordée comme un des multiples aspects de la vie d’un personnage, sans jamais être l’élément central.

La liberté créative : non, je n’ai pas à écrire uniquement sur ma communauté

Mais d’un autre côté, je n’ai pas à être contraint d’écrire uniquement sur des thèmes liés à ma propre expérience en tant qu'auteur LGBT. Si je choisis d’aborder des récits qui parlent d’autre chose que de mon identité, je ne devrais pas me sentir coupable. La littérature, c'est avant tout la liberté de créer.

Dans ma propre démarche d’écriture, je me suis rendu compte que les histoires que je raconte ne doivent pas nécessairement être centrées sur la communauté LGBT. Parfois, la complexité des histoires humaines dépasse les frontières de l’identité.

Quelques réflexions qui me viennent à l'esprit sur ce point :

  • La complexité humaine : nous ne sommes pas seulement définis par nos orientations sexuelles. Par exemple, je peux écrire un roman d’aventure, un thriller, ou une saga historique, et y insérer des personnages LGBT sans que cela devienne le cœur de l’intrigue.

  • Écrire au-delà de l’étiquette : il y a quelque chose de profondément libérateur dans l’idée de ne pas être limité par une étiquette. Écrire en tant qu’auteur LGBT n’implique pas d’écrire « sur » l’homosexualité, le transidentité, ou la fluidité des genres. L’expérience humaine est riche et complexe, et la littérature doit aussi l’être.

Je pense à des auteurs comme Édouard Louis, dont les romans ne parlent pas uniquement de son orientation sexuelle, mais de la violence sociale, du rejet et de la lutte contre les normes imposées. Dans « En finir avec Eddy Bellegueule », il aborde des questions de classe, de violence sociale, tout en glissant des réflexions sur l’homophobie. Mais il n’impose jamais une lecture simplement centrée sur son identité sexuelle.

La diversité des récits LGBT : plus de diversité, pas de conformité

La communauté LGBT est d’une diversité incroyable, et en tant qu’auteur, je trouve essentiel de ne pas réduire cette richesse à un seul type d’histoire. Trop souvent, on voit des stéréotypes se répéter : les récits de révolte ou de souffrance, ou encore l’histoire de l’acceptation de soi dans un cadre souvent trop rigide. Mais cette vision est réductrice. Mon expérience, tout comme celle de beaucoup d’autres auteurs, est multiple et variée.

Les récits LGBT doivent refléter cette pluralité. On peut parler d’amour, de guerre, de quête de soi, mais aussi d’aventures fantastiques ou même de comédies. Cette diversité est la force de notre communauté, et cela doit se traduire dans la littérature.

Quelques exemples de livres où la diversité des expériences est parfaitement bien représentée :

  • « Sois un bon garçon » de Sophie Pujas : un livre qui explore des thèmes d’identité et de genre avec une touche d’humour.

  • « Le Divin Enfant » de David Ménard : un roman où la quête spirituelle et l’évolution personnelle s’entremêlent avec les questions de genre et de sexualité.

Conclusion : choisir, librement, ce qu’on veut raconter

En fin de compte, il me semble qu’un auteur LGBT n’a pas à se conformer à une forme de « devoir ». Nous avons la liberté d’écrire sur ce qui nous touche, sur ce qui nous fait vibrer, sans être obligés de rendre notre œuvre représentative d’une identité particulière. La littérature, qu’elle soit engagée ou plus personnelle, doit rester avant tout un acte de liberté.

Ce que je trouve important, c’est que chaque auteur puisse avoir cette latitude d’écrire comme il le souhaite, tout en étant conscient de la place que peut occuper sa voix dans le paysage littéraire. C’est peut-être là que réside la vraie richesse de la littérature LGBT : dans sa capacité à donner une pluralité de récits, et à permettre à chacun de raconter son histoire, à sa manière.

Écrit par Gildas Mergny

Traducteur, rédacteur et auteur de fiction en littérature de l'imaginaire

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